#8 > Quid de la prémédication en chirurgie ambulatoire ?
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La progression de la chirurgie ambulatoire avec prise en charge d’actes et de patients de plus en plus complexes remet en avant le sujet de la prémédication (en particulier anxiolytique), administrée pour le confort du patient, et de son risque d’influencer l’heure de la sortie du patient.
Une prémédication anxiolytique
Bien que selon les dernières recommandations de la SFAR en 2009 [1], “il est possible de prescrire une prémédication anxiolytique et/ou analgésique”, on peut observer une forte réticence du personnel tant médical que paramédical à ce choix, et une faible demande des patients (pour ce qui est de l’anxiolyse). Les études montrent qu'en général, seule la moitié des patients en ambulatoire est prémédiquée alors qu'elle est quasi systématique pour les hospitalisés [2].
Autrefois nécessaire comme véritable adjuvant des produits d’anesthésie, la prémédication n’a actuellement comme objectif que la prise en charge de l’anxiété du patient avant la chirurgie. L’anxiété préopératoire n’est pas identique pour tous les patients et doit être évaluée objectivement au moyen d’échelles simples comme l’APAIS (Amsterdam Preoperative Anxiety and Information Scale) validée pour la consultation d’anesthésie ou comme l’EVA anxiété qui est encore plus simple d’utilisation.
Si une molécule est prescrite pour l’anxiolyse, elle doit s’adapter aux particularités de la chirurgie ambulatoire : acte opératoire rapide, anxiété plus faible qu’en hospitalisation, amnésie de la période périopératoire inutile et nécessité de ne pas retarder la sortie.
Alors quelles molécules ?
Spécifiquement en chirurgie ambulatoire, un grand nombre d'études ont comparé les molécules entre elles ou contre un placebo, mais sont peu comparables car très hétérogènes. Une méta analyse de 2009 a regroupé 17 études portant sur la prémédication spécifiquement en chirurgie ambulatoire incluant un total de 1418 patients [1]. Bien que très hétérogènes, la plupart des études montrent que la prémédication ne retarde pas la sortie. Il faut cependant interpréter ces données au cas par cas, en particulier en fonction de la molécule utilisée.
Une étude française récente qui a comparé (en chirurgie non ambulatoire) l’usage en prémédication du lorazepam (TEMESTA®) 2,5mg versus placébo, ou même à l’absence de prémédication, et a montré que le lorazepam réduisait l’anxiété des patients lors de leur arrivée au bloc mais n’apportait pas de bénéfice sur le ressenti global du patient (évalué par le score EVAN-G) [2]. De plus, dans le groupe lorazepam, plusieurs effets indésirables ont été observés, et qui peuvent poser problème en chirurgie ambulatoire : plus d’amnésies, temps d’extubation légèrement allongé (5 min), une diminution de la qualité de sommeil (jusqu’à 7 jours) et un temps de récupération des fonctions cognitives plus long.
En pratique, en France pour le choix de la molécule, la prémédication anxiolytique repose principalement sur les benzodiazépines, un antihistaminique (l’hydroxyzine ATARAX®) et deux analgésiques (gabapentine NEURONTIN® et prégabaline LYRICA®) [3].
Leur prescription en ambulatoire doit se faire après évaluation du niveau d'anxiété par score APAIS ou EVA. Il faut plutôt utiliser des benzodiazépines de demi-vie courte comme l’alprazolam (XANAX®) ou le midazolam (HYPNOVEL®) en diminuant les doses chez le sujet âgé. L’hydroxizyne ne devrait plus être prescrite dans cette indication en raison de son faible pouvoir d’anxiolyse et de l’alerte récente de l’ANSM sur ses effets secondaires potentiels. Enfin la gabapentine et la pregabaline sont moins efficaces sur l’anxiolyse qu’une benzodiazepine, mais ont des effets anti-hyperalgiques. Leurs effets secondaires possibles (sédation, sensation ébrieuses, flou visuel) représentent un risque pour l’ambulatoire.
Moyens non médicamenteux
L’information donnée lors de la consultation pré-anesthésique est le point central de la prise en charge anesthésique et de la satisfaction du patient et concourt à diminuer l'anxiété du patient. De même, la visite par l’anesthésiste préopératoire, si elle peut être réalisée en ambulatoire à l’arrivée dans l’unité est intéressante car est plus efficace sur l’anxiété qu’une prémédication médicamenteuse.
Des prises en charges psychologiques de type thérapies comportementales, hypnose ou relaxation permettent de préparer le patient à l'intervention chirurgicale. Leur intérêt réside surtout dans la satisfaction des patients et l'effet antalgique.
En pratique ces techniques sont difficiles à mettre en place et n'ont de sens que pour des chirurgies lourdes ou pour des patients ayant un profil psychologique particulier. On ne peut donc retenir un intérêt à grande échelle pour la chirurgie ambulatoire.
Les autres types de prémédication
La prémédication au sens large ne s'arrête pas qu'à l'aspect anxiolyse et concerne toute la prise en charge médicale du patient : adaptation de ses traitements au long cours et l'optimisation du patient avant le stress chirurgical, anticipation de l'analgésie et la prévention de la chronicisation de la douleur post opératoire, prévention des nausées vomissements postopératoires ou du risque infectieux, abaissement du métabolisme de base, prévention des effets adverses du système nerveux autonome ou du syndrome de Mendelson par la réduction du volume et de l’acidité des sécrétions gastriques.
Conclusion
L’anxiété préopératoire est très variable surtout en chirurgie ambulatoire et doit être évaluée à l’aide de moyens simples comme l’échelle EVA. Sa prise en charge peut nécessiter une prémédication pharmacologique anxiolytique (par des benzodiazépines) tout en sachant que le dialogue et l’information apportée dès la consultation d’anesthésie sont souvent plus efficaces, participant même à l’analgésie postopératoire.
Mais la prémédication ne doit pas s’arrêter à l’anxiolyse et prendre en compte la gestion du terrain du patient et de ses traitements de fond, l’anticipation de l’analgésie, la prévention des effets secondaires (en particulier les nausées et vomissements).
Dr Alexandre THEISSEN, Dr Patrick NICCOLAI
Service d'Anesthésie Réanimation et Chirurgie Ambulatoire
CH Princesse Grace, MONACO
Une prémédication anxiolytique
Bien que selon les dernières recommandations de la SFAR en 2009 [1], “il est possible de prescrire une prémédication anxiolytique et/ou analgésique”, on peut observer une forte réticence du personnel tant médical que paramédical à ce choix, et une faible demande des patients (pour ce qui est de l’anxiolyse). Les études montrent qu'en général, seule la moitié des patients en ambulatoire est prémédiquée alors qu'elle est quasi systématique pour les hospitalisés [2].
Autrefois nécessaire comme véritable adjuvant des produits d’anesthésie, la prémédication n’a actuellement comme objectif que la prise en charge de l’anxiété du patient avant la chirurgie. L’anxiété préopératoire n’est pas identique pour tous les patients et doit être évaluée objectivement au moyen d’échelles simples comme l’APAIS (Amsterdam Preoperative Anxiety and Information Scale) validée pour la consultation d’anesthésie ou comme l’EVA anxiété qui est encore plus simple d’utilisation.
Si une molécule est prescrite pour l’anxiolyse, elle doit s’adapter aux particularités de la chirurgie ambulatoire : acte opératoire rapide, anxiété plus faible qu’en hospitalisation, amnésie de la période périopératoire inutile et nécessité de ne pas retarder la sortie.
Alors quelles molécules ?
Spécifiquement en chirurgie ambulatoire, un grand nombre d'études ont comparé les molécules entre elles ou contre un placebo, mais sont peu comparables car très hétérogènes. Une méta analyse de 2009 a regroupé 17 études portant sur la prémédication spécifiquement en chirurgie ambulatoire incluant un total de 1418 patients [1]. Bien que très hétérogènes, la plupart des études montrent que la prémédication ne retarde pas la sortie. Il faut cependant interpréter ces données au cas par cas, en particulier en fonction de la molécule utilisée.
Une étude française récente qui a comparé (en chirurgie non ambulatoire) l’usage en prémédication du lorazepam (TEMESTA®) 2,5mg versus placébo, ou même à l’absence de prémédication, et a montré que le lorazepam réduisait l’anxiété des patients lors de leur arrivée au bloc mais n’apportait pas de bénéfice sur le ressenti global du patient (évalué par le score EVAN-G) [2]. De plus, dans le groupe lorazepam, plusieurs effets indésirables ont été observés, et qui peuvent poser problème en chirurgie ambulatoire : plus d’amnésies, temps d’extubation légèrement allongé (5 min), une diminution de la qualité de sommeil (jusqu’à 7 jours) et un temps de récupération des fonctions cognitives plus long.
En pratique, en France pour le choix de la molécule, la prémédication anxiolytique repose principalement sur les benzodiazépines, un antihistaminique (l’hydroxyzine ATARAX®) et deux analgésiques (gabapentine NEURONTIN® et prégabaline LYRICA®) [3].
Leur prescription en ambulatoire doit se faire après évaluation du niveau d'anxiété par score APAIS ou EVA. Il faut plutôt utiliser des benzodiazépines de demi-vie courte comme l’alprazolam (XANAX®) ou le midazolam (HYPNOVEL®) en diminuant les doses chez le sujet âgé. L’hydroxizyne ne devrait plus être prescrite dans cette indication en raison de son faible pouvoir d’anxiolyse et de l’alerte récente de l’ANSM sur ses effets secondaires potentiels. Enfin la gabapentine et la pregabaline sont moins efficaces sur l’anxiolyse qu’une benzodiazepine, mais ont des effets anti-hyperalgiques. Leurs effets secondaires possibles (sédation, sensation ébrieuses, flou visuel) représentent un risque pour l’ambulatoire.
Moyens non médicamenteux
L’information donnée lors de la consultation pré-anesthésique est le point central de la prise en charge anesthésique et de la satisfaction du patient et concourt à diminuer l'anxiété du patient. De même, la visite par l’anesthésiste préopératoire, si elle peut être réalisée en ambulatoire à l’arrivée dans l’unité est intéressante car est plus efficace sur l’anxiété qu’une prémédication médicamenteuse.
Des prises en charges psychologiques de type thérapies comportementales, hypnose ou relaxation permettent de préparer le patient à l'intervention chirurgicale. Leur intérêt réside surtout dans la satisfaction des patients et l'effet antalgique.
En pratique ces techniques sont difficiles à mettre en place et n'ont de sens que pour des chirurgies lourdes ou pour des patients ayant un profil psychologique particulier. On ne peut donc retenir un intérêt à grande échelle pour la chirurgie ambulatoire.
Les autres types de prémédication
La prémédication au sens large ne s'arrête pas qu'à l'aspect anxiolyse et concerne toute la prise en charge médicale du patient : adaptation de ses traitements au long cours et l'optimisation du patient avant le stress chirurgical, anticipation de l'analgésie et la prévention de la chronicisation de la douleur post opératoire, prévention des nausées vomissements postopératoires ou du risque infectieux, abaissement du métabolisme de base, prévention des effets adverses du système nerveux autonome ou du syndrome de Mendelson par la réduction du volume et de l’acidité des sécrétions gastriques.
Conclusion
L’anxiété préopératoire est très variable surtout en chirurgie ambulatoire et doit être évaluée à l’aide de moyens simples comme l’échelle EVA. Sa prise en charge peut nécessiter une prémédication pharmacologique anxiolytique (par des benzodiazépines) tout en sachant que le dialogue et l’information apportée dès la consultation d’anesthésie sont souvent plus efficaces, participant même à l’analgésie postopératoire.
Mais la prémédication ne doit pas s’arrêter à l’anxiolyse et prendre en compte la gestion du terrain du patient et de ses traitements de fond, l’anticipation de l’analgésie, la prévention des effets secondaires (en particulier les nausées et vomissements).
Dr Alexandre THEISSEN, Dr Patrick NICCOLAI
Service d'Anesthésie Réanimation et Chirurgie Ambulatoire
CH Princesse Grace, MONACO