Editos de l'AFCA
Chirurgie Ambulatoire (CA) et Réhabilitation Améliorée Après Chirurgie (RAAC) : Vrai débat ou faux débat - Janvier 2017
Par le Conseil d'Administration
Le développement de la Réhabilitation Améliorée Après Chirurgie (RAAC) et les multiples initiatives dont elle fait l’objet signent l’intérêt des communautés anesthésiques et chirurgicales pour ce sujet qui a émergé dans la littérature spécialisée dès 1996. L’interrogation sur la façon dont peuvent coexister les deux modes de prise en charge, Chirurgie ambulatoire (CA) et RAAC, est étonnante car elle semble assez franco française et cet édito n’aurait sans doute pas sa place dans une revue internationale.
L’élément essentiel est de prendre conscience que ces deux modes de prise en charge partagent un grand nombre de valeurs et de caractéristiques majeures qui ont d’ailleurs fait le succès de l’une et de l’autre auprès des patients et suscité l’intérêt des chirurgiens et des anesthésistes pionniers d’abord et de nombreux professionnels chirurgiens, anesthésistes et paramédicaux et autre ensuite. Il est important d’y revenir point par point :
- CA et RAAC sont centrées sur le patient. L’expression peut paraitre galvaudée c’est pourquoi elle mérite que l’on s’attache à préciser ce qu’elle signifie : Non seulement cela veut dire que l’on considère comme primordial non seulement le résultat médical mais aussi le bien être, la satisfaction du patient qui bien qu’empreint d’une subjectivité évidente deviennent des objectifs à part entière de l’intervention de santé. Cela veut aussi (et peut être et surtout) dire que cette primauté renvoie au second rang les préférences des professionnels et des autres acteurs qui s’accordent pour se placers au service de ces objectifs.
- CA et RAAC partagent le même objectif fondamental : rendre à un patient sa complète autonomie par un processus maitrisé le plus court possible.
- CA et la RAAC, cultivent la responsabilité des acteurs chirurgiens et anesthésistes qui ne souhaitent pas répondre à l’incertitude par la prolongation du séjour mais par la gestion des risques, la maitrise des évènements et l’anticipation. Cette responsabilité s’étend dans les deux cas à une réflexion et à un suivi qui dépasse le seul séjour pour s’intéresser au patient après son retour à son lieu de résidence.
- CA et RAAC sont fondées sur le travail en équipe. Comme nous venons de l’écrire, l’ensemble des acteurs doit se coordonner sur un programme pré établi qui doit avoir trois propriétés essentielles : il doit être formalisé, il doit être partagé et il doit refléter la meilleure pratique du moment en cohérence avec l’Evidence Based Medecine. La conception d’un programme (à travers un protocole, un chemin clinique, une feuille de route, etc.) oblige à la réflexion, et aux choix de façon multi disciplinaire ( les différentes spécialités entre elles ) et pluri professionnelle (les différents métiers entre eux). La mise en œuvre également.
- CA et RAAC constitue un puissant levier de mise en œuvre des meilleures pratiques. La conception des programmes ou protocoles interroge nécessairement sur les meilleurs choix en matière d’indication, de techniques, de modalités, de recours à la biologie, à l’imagerie et sur l’ensemble des prescriptions qui doivent être envisagées (déambulation, alimentation, mobilisation etc…). Les références partagées doivent relever des données les plus actuelles de la science et des consensus professionnels validés (recommandations). En outre, au-delà de la réflexion sur les meilleures pratiques c’est ainsi leur mise en œuvre systématique qui est garantie limitant les variations inter individuelles chez les prescripteurs.
- CA et RAAC se soumettent à l’évaluation voire à une évaluation continue. Que ce soit au sein d’une même équipe ou en ayant recours à des parangonnages (benchmark) au travers de bases de données nationales ou internationales, des indicateurs simples et transversaux (complications, DMS) permettent de vérifier l’atteinte des objectifs. Donc non seulement les meilleures pratiques sont recherchées mais un mécanisme d’amélioration continue se met en place.
- CA et RAAC ont des implications économiques fortes mais cela n’est pas leur rationalité première. Il est acquis que la standardisation des procédures, la diminution de la morbidité des interventions de santé, la diminution des durées de séjours diminuent de fait les dépenses globales engagées. Il serait illogique et maladroit d’en faire une justification du développement de la CA ou de la RAAC pour deux raisons : La première est que l’objectif premier est l’amélioration de l’état de santé global du patient et c’est le seul qui soit médicalement acceptable et partageable par des professionnels de santé. La seconde est que si la dépense est réduite, les modalités tarifaires qui conduisent aux recettes qui sont souvent complexes et construites pour valoriser les pratiques antérieures et différentes en fonction des pays, peuvent venir brouiller considérablement un message économique.
- CA et RAAC partagent les mêmes détracteurs : Pour le dire sobrement et sans polémique, les professionnels fortement individualistes, convaincus de la supériorité de leur savoir spécialisé, peu porté à la remise en cause, puisant dans le dogme et la répétition la sécurité nécessaire à nos exercices humains délicats, et qui ne savent pas dissocier l’autorité scientifique de l’autorité hiérarchique, auront de grandes difficultés à s’adapter aux exigences de la CA ou de la RAAC et n’hésiteront pas à le faire savoir. La résistance au changement a été et sera à l’œuvre face à la CA et face à la RAAC.
Il y a toutefois deux différences importantes entre la CA et la RAAC.
Cette analyse de courte vue serait totalement inacceptable pour deux raisons :
-La première est que lorsqu’elle est possible l’offre de chirurgie ambulatoire est la meilleure option et elle doit être proposée au patient. Retenir en hospitalisation, fusse avec une RAAC, un patient qui aurait pu regagner son domicile le jour même est une erreur médicale, humaine et économique. Nous serions tentés même de considérer que ce serait une faute.
-La seconde est que les pionniers de la RAAC ont très vite appréhendé qu’au-delà des comportements médicaux , la réhabilitation allait justifier, pour pouvoir se généraliser à la majorité des patients une refonte des organisations historiques des établissements dont l’émergence de la chirurgie ambulatoire avait permis l’enkystement dans leur aspect « traditionnel ». Ainsi adhérer et s’investir aujourd’hui dans la RAAC n’est pas éviter la réflexion, toujours longue et difficile, sur l’organisation mais au contraire commencer à s’y investir.
Cette liste de points communs ou partagés, comme la finesse finalement des différences, illustrent l’intrication étroite entre CA et RAAC : Comment la chirurgie ambulatoire aurait-elle été possible si l’on ne s’était pas attaché à permettre la réhabilitation minute après minute pour parvenir comme conséquence à un séjour de moins de douze heures ? Comment la RAAC aurait-elle pu se développer si les succès observés en chirurgie ambulatoire n’avaient pas interrogé les modalités d’un séjour chirurgical de plusieurs jours en hospitalisation traditionnelle ? La RAAC est sans doute un moyen ou une étape intermédiaire pour aboutir à un objectif de prise en charge ambulatoire (prothèses de hanche et de genou par exemple). "Dans les deux cas les marges de progrès restent très importantes. Les combler reste un impératif."
La conclusion qu’il faut en tirer est évidente : l’hospitalisation ne doit plus pouvoir être qualifiée de « traditionnelle » ou de « classique ». Elle doit se moderniser, elle doit répondre aux besoins du patient chez lequel malgré les techniques de réhabilitation, son état, la lourdeur de l’acte, ou des contextes particuliers ne permettent pas de parvenir à l’autonomie complète en 12 heures. Pour le dire autrement, si nous pensons depuis plus de trente ans que lorsqu’elle possible la chirurgie ambulatoire doit être la norme, il est aujourd’hui évident pour nous que dès lors que le patient est hospitalisé une nuit, la RAAC doit être la norme.
Le Conseil d’Administration de l’AFCA
(Texte élaboré au cours du dernier séminaire de travail de l’AFCA)
L’élément essentiel est de prendre conscience que ces deux modes de prise en charge partagent un grand nombre de valeurs et de caractéristiques majeures qui ont d’ailleurs fait le succès de l’une et de l’autre auprès des patients et suscité l’intérêt des chirurgiens et des anesthésistes pionniers d’abord et de nombreux professionnels chirurgiens, anesthésistes et paramédicaux et autre ensuite. Il est important d’y revenir point par point :
- CA et RAAC sont centrées sur le patient. L’expression peut paraitre galvaudée c’est pourquoi elle mérite que l’on s’attache à préciser ce qu’elle signifie : Non seulement cela veut dire que l’on considère comme primordial non seulement le résultat médical mais aussi le bien être, la satisfaction du patient qui bien qu’empreint d’une subjectivité évidente deviennent des objectifs à part entière de l’intervention de santé. Cela veut aussi (et peut être et surtout) dire que cette primauté renvoie au second rang les préférences des professionnels et des autres acteurs qui s’accordent pour se placers au service de ces objectifs.
- CA et RAAC partagent le même objectif fondamental : rendre à un patient sa complète autonomie par un processus maitrisé le plus court possible.
- CA et la RAAC, cultivent la responsabilité des acteurs chirurgiens et anesthésistes qui ne souhaitent pas répondre à l’incertitude par la prolongation du séjour mais par la gestion des risques, la maitrise des évènements et l’anticipation. Cette responsabilité s’étend dans les deux cas à une réflexion et à un suivi qui dépasse le seul séjour pour s’intéresser au patient après son retour à son lieu de résidence.
- CA et RAAC sont fondées sur le travail en équipe. Comme nous venons de l’écrire, l’ensemble des acteurs doit se coordonner sur un programme pré établi qui doit avoir trois propriétés essentielles : il doit être formalisé, il doit être partagé et il doit refléter la meilleure pratique du moment en cohérence avec l’Evidence Based Medecine. La conception d’un programme (à travers un protocole, un chemin clinique, une feuille de route, etc.) oblige à la réflexion, et aux choix de façon multi disciplinaire ( les différentes spécialités entre elles ) et pluri professionnelle (les différents métiers entre eux). La mise en œuvre également.
- CA et RAAC constitue un puissant levier de mise en œuvre des meilleures pratiques. La conception des programmes ou protocoles interroge nécessairement sur les meilleurs choix en matière d’indication, de techniques, de modalités, de recours à la biologie, à l’imagerie et sur l’ensemble des prescriptions qui doivent être envisagées (déambulation, alimentation, mobilisation etc…). Les références partagées doivent relever des données les plus actuelles de la science et des consensus professionnels validés (recommandations). En outre, au-delà de la réflexion sur les meilleures pratiques c’est ainsi leur mise en œuvre systématique qui est garantie limitant les variations inter individuelles chez les prescripteurs.
- CA et RAAC se soumettent à l’évaluation voire à une évaluation continue. Que ce soit au sein d’une même équipe ou en ayant recours à des parangonnages (benchmark) au travers de bases de données nationales ou internationales, des indicateurs simples et transversaux (complications, DMS) permettent de vérifier l’atteinte des objectifs. Donc non seulement les meilleures pratiques sont recherchées mais un mécanisme d’amélioration continue se met en place.
- CA et RAAC ont des implications économiques fortes mais cela n’est pas leur rationalité première. Il est acquis que la standardisation des procédures, la diminution de la morbidité des interventions de santé, la diminution des durées de séjours diminuent de fait les dépenses globales engagées. Il serait illogique et maladroit d’en faire une justification du développement de la CA ou de la RAAC pour deux raisons : La première est que l’objectif premier est l’amélioration de l’état de santé global du patient et c’est le seul qui soit médicalement acceptable et partageable par des professionnels de santé. La seconde est que si la dépense est réduite, les modalités tarifaires qui conduisent aux recettes qui sont souvent complexes et construites pour valoriser les pratiques antérieures et différentes en fonction des pays, peuvent venir brouiller considérablement un message économique.
- CA et RAAC partagent les mêmes détracteurs : Pour le dire sobrement et sans polémique, les professionnels fortement individualistes, convaincus de la supériorité de leur savoir spécialisé, peu porté à la remise en cause, puisant dans le dogme et la répétition la sécurité nécessaire à nos exercices humains délicats, et qui ne savent pas dissocier l’autorité scientifique de l’autorité hiérarchique, auront de grandes difficultés à s’adapter aux exigences de la CA ou de la RAAC et n’hésiteront pas à le faire savoir. La résistance au changement a été et sera à l’œuvre face à la CA et face à la RAAC.
Il y a toutefois deux différences importantes entre la CA et la RAAC.
- La première est que la CA a fait l’objet d’un encadrement par des textes réglementaires extrêmement structurant depuis 1992, qui fut souvent contre productif. Cela n’était pas étonnant tant le scepticisme des tutelles était grand et le bouleversement qu’apportait le concept dans les établissements était important.
- La seconde est la plus importante : la chirurgie ambulatoire met en avant un concept organisationnel autant sinon plus qu’une pratique professionnelle. En fait, la récupération d’une autonomie suffisante pour permettre la sortie du patient ambulatoire, si elle était indispensable avec la mise en œuvre des savoirs et techniques médicaux maitrisés, n’était pas suffisante. Il fallait pour que la sortie survienne au bout de quelques heures seulement remettre en cause l’organisation habituelle des services, des étapes administratives, des circuits au sein des établissements et même des modalités d’hébergement (box, brancard lits, restauration, etc…). Ainsi la chirurgie ambulatoire a porté une ambition de réforme au-delà des comportements médicaux et personnels, vers la structure même de tout ou partie d’un établissement. Plus exigeante, ou plus ambitieuse aussi ; cette nécessité d’évolution s’est heurtée à plus de conservatisme encore car il ne suffisait plus de s’accorder sur des modus operandi conformes à l’état de l’art mais il devenait nécessaire de perturber une organisation fondée sur des territoires dont on avait perdu de vue qu’ils n’étaient que fonctionnels et qui étaient devenus autant de théâtres d’enjeux de pouvoir, d’identification, et parfois de nuisance.
Cette analyse de courte vue serait totalement inacceptable pour deux raisons :
-La première est que lorsqu’elle est possible l’offre de chirurgie ambulatoire est la meilleure option et elle doit être proposée au patient. Retenir en hospitalisation, fusse avec une RAAC, un patient qui aurait pu regagner son domicile le jour même est une erreur médicale, humaine et économique. Nous serions tentés même de considérer que ce serait une faute.
-La seconde est que les pionniers de la RAAC ont très vite appréhendé qu’au-delà des comportements médicaux , la réhabilitation allait justifier, pour pouvoir se généraliser à la majorité des patients une refonte des organisations historiques des établissements dont l’émergence de la chirurgie ambulatoire avait permis l’enkystement dans leur aspect « traditionnel ». Ainsi adhérer et s’investir aujourd’hui dans la RAAC n’est pas éviter la réflexion, toujours longue et difficile, sur l’organisation mais au contraire commencer à s’y investir.
Cette liste de points communs ou partagés, comme la finesse finalement des différences, illustrent l’intrication étroite entre CA et RAAC : Comment la chirurgie ambulatoire aurait-elle été possible si l’on ne s’était pas attaché à permettre la réhabilitation minute après minute pour parvenir comme conséquence à un séjour de moins de douze heures ? Comment la RAAC aurait-elle pu se développer si les succès observés en chirurgie ambulatoire n’avaient pas interrogé les modalités d’un séjour chirurgical de plusieurs jours en hospitalisation traditionnelle ? La RAAC est sans doute un moyen ou une étape intermédiaire pour aboutir à un objectif de prise en charge ambulatoire (prothèses de hanche et de genou par exemple). "Dans les deux cas les marges de progrès restent très importantes. Les combler reste un impératif."
La conclusion qu’il faut en tirer est évidente : l’hospitalisation ne doit plus pouvoir être qualifiée de « traditionnelle » ou de « classique ». Elle doit se moderniser, elle doit répondre aux besoins du patient chez lequel malgré les techniques de réhabilitation, son état, la lourdeur de l’acte, ou des contextes particuliers ne permettent pas de parvenir à l’autonomie complète en 12 heures. Pour le dire autrement, si nous pensons depuis plus de trente ans que lorsqu’elle possible la chirurgie ambulatoire doit être la norme, il est aujourd’hui évident pour nous que dès lors que le patient est hospitalisé une nuit, la RAAC doit être la norme.
Le Conseil d’Administration de l’AFCA
(Texte élaboré au cours du dernier séminaire de travail de l’AFCA)
Centres indépendants : la fin de la prohibition
Dr Guy Bazin - Fondateur et Ancien Président de l’AFCA
Vingt cinq ans après le début du virage ambulatoire, qui a commencé le 4 Avril 1991, date à laquelle l’Etat s’est engagé à donner un statut juridique à la chirurgie ambulatoire, tout a été fait, en France, pour nier, interdire et retarder, une stratégie reconnue par tous les pays, pour réformer la prise en charge chirurgicale. L’autorisation de créer les centres indépendants (Etablissements dédiés à la chirurgie ambulatoire). Le Décret fondateur d’octobre 1992 réduisait l’organisation à celle des centres intégrés qui représentent plus de 90% des centres ambulatoires français. Ce Décret avait l’avantage premier de ne pas déstructurer les plateformes décisionnelles et organisationnelles existantes.
Aujourd’hui, rien n’a changé. Le virage ambulatoire continue.
Nous avons toujours eu du mal à comprendre que la chirurgie d’hospitalisation traditionnelle repose sur l’immutabilité, la dilution des responsabilités, la propriété individuelle des postes de travail. Il faut savoir que les activités de chirurgie, ne sont actuellement réglementées que par les annexes VIII (établissements d’hospitalisation de chirurgie) du décret du 9 Mars 1956, textes anciens et applicables au seul secteur privé (ces annexes ont été partiellement codifiées en juillet 2005). Par contre la prise en charge chirurgicale ambulatoire à subi plusieurs dizaines de textes réglementaires, de rapports, de facturations et de contractualisations, sans que véritablement, les structures bénéficient d’une efficience à la hauteur des besoins croissants d’une démographie, qui à augmenté de plus d’un tiers en 50 ans, et qui ne veut pas se priver des progrès de la chirurgie fonctionnelle. Toutes les innovations, qui doivent subir la position dominante de l’historique, ont une évolution lente et polluée.
La chirurgie ambulatoire est toujours vécue comme une concurrence avec la chirurgie d’hospitalisation traditionnelle.
Pourtant les avantages des centres indépendants ne manquent pas. L’indépendance concomitante de toutes les fonctions de l’organisation s’articulent plus facilement, des lors que les circuits sont courts et débarrassés des activités statiques de l’hospitalisation. La maturité fonctionnelle est acquise plus rapidement.
Un centre indépendant ne peut pas se permettre de subir les flux. Il doit les maîtriser et les anticiper.
Ce modèle répond plus à une logique de proximité de praticiens, qu’à une logique d’opérateurs financiers ou d’administrateurs. Ce qui explique, en partie, cette convergence d’intérêts entre les institutions et les syndicats des maisons de santé pour l’interdire. Cette interdiction qui frappe les centres indépendants, en France, explique probablement les réactions des praticiens qui veulent prendre en main leur destin en proposant des alternatives qui contournent ce « gosplan » sanitaire. Telles les propositions d’hôtels médicalisés, excessives dans un pays surdoté. De même la tendance vers la récupération améliorée après chirurgie, s’avère être une réaction professionnelle, qui exclu l’innovation organisationnelle globale du système, impossible à mettre en oeuvre. Ajoutons que sur un schéma évolutif, le blocage premier du modèle indépendant, a un effet pervers redoutable. Il fige le centre intégré, en un modèle unique, le plus archaïque. Il le réduit à une surface qui subi une somme d’exigences individuelles, surtout au bloc opératoire, véritable réducteur de flux, et supprime toutes les tentatives pour évoluer vers des modèles plus adaptatifs.
Autoriser les centres indépendants déclencherait, alors, in situ, des initiatives qui permettrait de passer plus facilement de la gestion des surfaces à la gestion des flux. Avec toutefois un risque non négligeable. La rupture brutale d’un barrage, consolidé par une somme d’injonctions paradoxales décrétée, institutionnalisée, défendue depuis l’époque si lointaine ou le monde avait fini son virage ambulatoire avec les centres indépendants, alors que nous, nous le commencions en les interdisant.
Cette erreur originelle, qui s’apparente littéralement à du protectionnisme autant dans le secteur publique que privé, nous a couté très cher. Elle est à l’origine du faible développement de la chirurgie ambulatoire en France mais surtout de notre faible capacité à changer le mode de fonctionnement de nos établissements.
Pourquoi cette obstination à vouloir nier l’évidence ? Pourtant d’autres ont osé. Gérard Vincent, délégué général de la Fédération des Hôpitaux de France (FHF) pendant 18 ans, peu suspect de vouloir renverser les tables, évoquait le 22 Mars 2016, au cours d’une conférence, ses convictions. Il était « convaincu que des centres de chirurgie ambulatoire indépendants allaient se développer, tout en jugeant normal de réduire la voilure en matière de chirurgie ». Il n’est pas seul.
Au regard de l’augmentation des dépenses de santé, comment peut-on penser que nous échapperons indéfiniment à cette obsolescence de l’offre ?
Dr Guy Bazin
Fondateur et Ancien Président de l’AFCA
Aujourd’hui, rien n’a changé. Le virage ambulatoire continue.
Nous avons toujours eu du mal à comprendre que la chirurgie d’hospitalisation traditionnelle repose sur l’immutabilité, la dilution des responsabilités, la propriété individuelle des postes de travail. Il faut savoir que les activités de chirurgie, ne sont actuellement réglementées que par les annexes VIII (établissements d’hospitalisation de chirurgie) du décret du 9 Mars 1956, textes anciens et applicables au seul secteur privé (ces annexes ont été partiellement codifiées en juillet 2005). Par contre la prise en charge chirurgicale ambulatoire à subi plusieurs dizaines de textes réglementaires, de rapports, de facturations et de contractualisations, sans que véritablement, les structures bénéficient d’une efficience à la hauteur des besoins croissants d’une démographie, qui à augmenté de plus d’un tiers en 50 ans, et qui ne veut pas se priver des progrès de la chirurgie fonctionnelle. Toutes les innovations, qui doivent subir la position dominante de l’historique, ont une évolution lente et polluée.
La chirurgie ambulatoire est toujours vécue comme une concurrence avec la chirurgie d’hospitalisation traditionnelle.
Pourtant les avantages des centres indépendants ne manquent pas. L’indépendance concomitante de toutes les fonctions de l’organisation s’articulent plus facilement, des lors que les circuits sont courts et débarrassés des activités statiques de l’hospitalisation. La maturité fonctionnelle est acquise plus rapidement.
Un centre indépendant ne peut pas se permettre de subir les flux. Il doit les maîtriser et les anticiper.
Ce modèle répond plus à une logique de proximité de praticiens, qu’à une logique d’opérateurs financiers ou d’administrateurs. Ce qui explique, en partie, cette convergence d’intérêts entre les institutions et les syndicats des maisons de santé pour l’interdire. Cette interdiction qui frappe les centres indépendants, en France, explique probablement les réactions des praticiens qui veulent prendre en main leur destin en proposant des alternatives qui contournent ce « gosplan » sanitaire. Telles les propositions d’hôtels médicalisés, excessives dans un pays surdoté. De même la tendance vers la récupération améliorée après chirurgie, s’avère être une réaction professionnelle, qui exclu l’innovation organisationnelle globale du système, impossible à mettre en oeuvre. Ajoutons que sur un schéma évolutif, le blocage premier du modèle indépendant, a un effet pervers redoutable. Il fige le centre intégré, en un modèle unique, le plus archaïque. Il le réduit à une surface qui subi une somme d’exigences individuelles, surtout au bloc opératoire, véritable réducteur de flux, et supprime toutes les tentatives pour évoluer vers des modèles plus adaptatifs.
Autoriser les centres indépendants déclencherait, alors, in situ, des initiatives qui permettrait de passer plus facilement de la gestion des surfaces à la gestion des flux. Avec toutefois un risque non négligeable. La rupture brutale d’un barrage, consolidé par une somme d’injonctions paradoxales décrétée, institutionnalisée, défendue depuis l’époque si lointaine ou le monde avait fini son virage ambulatoire avec les centres indépendants, alors que nous, nous le commencions en les interdisant.
Cette erreur originelle, qui s’apparente littéralement à du protectionnisme autant dans le secteur publique que privé, nous a couté très cher. Elle est à l’origine du faible développement de la chirurgie ambulatoire en France mais surtout de notre faible capacité à changer le mode de fonctionnement de nos établissements.
Pourquoi cette obstination à vouloir nier l’évidence ? Pourtant d’autres ont osé. Gérard Vincent, délégué général de la Fédération des Hôpitaux de France (FHF) pendant 18 ans, peu suspect de vouloir renverser les tables, évoquait le 22 Mars 2016, au cours d’une conférence, ses convictions. Il était « convaincu que des centres de chirurgie ambulatoire indépendants allaient se développer, tout en jugeant normal de réduire la voilure en matière de chirurgie ». Il n’est pas seul.
Au regard de l’augmentation des dépenses de santé, comment peut-on penser que nous échapperons indéfiniment à cette obsolescence de l’offre ?
Dr Guy Bazin
Fondateur et Ancien Président de l’AFCA
Ambulatoire/Sortie précoce, HAD après Chirurgie : la grande « confusion »
La DGOS lance une expérimentation pour inciter la sortie précoce des patients opérés d’une chirurgie gynécologique, orthopédique et digestive, suivie d’une Hospitalisation à Domicile (HAD). Des patients dits « lourds », opérés d’actes « lourds » (listés), sont ciblés.
La DGOS nous rassure : en aucun cas, les patients opérés en ambulatoire ne sont concernés par cette mesure, et d’ailleurs, c’est ce qu’il avait été convenu, entre l’AFCA et la présidente, de la fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD), madame Elisabeth Hubert, en 2014.
Pourtant, les critères d’éligibilité des actes et des patients à cette sortie précoce vers l’HAD recoupent pour une partie ceux de l’éligibilité à la chirurgie ambulatoire. Et si certains actes (et patients), ne sont pas éligibles aujourd’hui, ils pourraient l’être demain.
Tout d’abord, le risque de ces listes d’actes, c’est de mettre des limites à, de freiner le développement de la chirurgie ambulatoire, notamment vers des actes dits lourds. Ensuite on sait que des équipes réalisent déjà certaines des interventions lourdes de cette liste en ambulatoire : bien sur, pas les fractures du col du fémur (mais dont on voit peu une sortie en HAD d’un patient ayant une fracture du col du fémur, compte tenu de l’indisponibilité des kinésithérapeutes, à domicile en ville). Mais les hystérectomies pour fibrome, les colectomies pour pathologie bénigne ou cancéreuse limitée, les prothèses totales de hanche et de genou sont réalisées en ambulatoire par des équipes en nombre limité, mais avec déjà des expériences importantes et dont beaucoup veulent s’inspirer. Le potentiel de développement de ces chirurgies en ambulatoire ne va-t-il pas être ainsi détourné vers l’HAD, plus facile, moins exigeante qu’une sortie le jour même, comme en chirurgie ambulatoire.
Même constatation pour les patients dits « lourds » du projet expérimental qui seraient aussi éligibles à une prise en charge ambulatoire si on regarde les critères des auteurs : les patients douloureux (EVA > 5), avec ou sans antalgiques (beaucoup de patients en postopératoire autant dire); les patients avec nécessité de la poursuite d’un traitement injectable institué en chirurgie 2 fois/jour, (mais cela ne peut être que les anticoagulants); les patients dénutris en pré ou postopératoire (mais pouvant avoir besoin uniquement d’une supplémentation orale), les patients ayant besoin de soins de la continence (une simple protection à changer ?). La définition du patient lourd reste vague et laisse penser que des patients peu « lourds » pourraient être éligibles à cette prise en charge en HAD après sortie précoce. Le potentiel de développement de la prise en charge en ambulatoire de ces patients ne va-t-il pas être encore détourné vers l’HAD, plus facile, moins exigeante que la chirurgie ambulatoire. A ce propos, il aurait été plus pertinent d’utiliser l’indice de sévérité des patients proposé par l’AFU pour la chirurgie ambulatoire, pour évaluer la sévérité mais aussi la complexité des patients et des soins dans cette expérimentation ().
Quels sont les objectifs de cette sortie précoce ? Etre dans une démarche de qualité des soins et de gestion des risques postopératoires, ou seulement raccourcir à tout prix la durée de l’hospitalisation en Etablissement de Soins et supprimer des lits ?
La chirurgie ambulatoire est une démarche 1- de qualité des soins pour permettre aux patients, le jour même de l’opération, une réhabilitation très optimisée (réveil, peu ou pas de douleurs grâce aux antalgiques, peu ou pas de nausées, ou vomissement, et pas d’anxiété (car bien préparés et informés)) et de pouvoir ainsi rentrer chez eux ; 2- de gestion des risques postopératoires dans le cadre de la continuité des soins à charge de l’équipe de l’Unité de Chirurgie Ambulatoire (et éventuellement le médecin traitant si accord en amont), sans refaire l’hôpital à la maison, et en impliquant et responsabilisant le patient.
Où est la démarche qualité de l’HAD dans cette expérimentation et l’exigence de la réhabilitation améliorée ? La gestion, par l'HAD, des risques postopératoires et de la continuité des soins pourraient être à l’inverse, un vrai risque ajouté : le médecin traitant en HAD devient le responsable de la continuité des soins. Or on ne "délègue" pas une surveillance, on partage une mission bien détaillée, expliquée et comprise par tous. Ces prérequis sont-ils prévus ?
L'HAD après chirurgie ambulatoire avait été envisagée ces dernières années comme une mesure "lenifiante" temporaire pour donner confiance aux équipes qui "se lançaient" dans l'ambulatoire (mais aussi dans la réhabilitation améliorée). Ainsi une HAD de 48h autorisée au CHU Tenon pour les Résections Trans Urétrale de prostate avec le laser greenlight. En formalisant son recours de cette façon, ce mode de sortie va-t-il rester temporaire ? N’est-ce pas une façon encore, comme les hôtels hospitaliers, de contourner l’exigence de la chirurgie ambulatoire ?
On nous répondra qu’il ne s’agit que de peu de patients et d’actes : probablement. Mais l’importance est le message envoyé par les tutelles, et qui influencera tous les comportements et toutes les prises en charge chirurgicales, mais aussi la qualité des soins et ses exigences, la sécurité des patients et les coûts à terme.
HAD, sortie précoce, ambulatoire après chirurgie, la grande confusion.
Corinne VONS et le conseil d’administration de l’AFCA
La DGOS nous rassure : en aucun cas, les patients opérés en ambulatoire ne sont concernés par cette mesure, et d’ailleurs, c’est ce qu’il avait été convenu, entre l’AFCA et la présidente, de la fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD), madame Elisabeth Hubert, en 2014.
Pourtant, les critères d’éligibilité des actes et des patients à cette sortie précoce vers l’HAD recoupent pour une partie ceux de l’éligibilité à la chirurgie ambulatoire. Et si certains actes (et patients), ne sont pas éligibles aujourd’hui, ils pourraient l’être demain.
Tout d’abord, le risque de ces listes d’actes, c’est de mettre des limites à, de freiner le développement de la chirurgie ambulatoire, notamment vers des actes dits lourds. Ensuite on sait que des équipes réalisent déjà certaines des interventions lourdes de cette liste en ambulatoire : bien sur, pas les fractures du col du fémur (mais dont on voit peu une sortie en HAD d’un patient ayant une fracture du col du fémur, compte tenu de l’indisponibilité des kinésithérapeutes, à domicile en ville). Mais les hystérectomies pour fibrome, les colectomies pour pathologie bénigne ou cancéreuse limitée, les prothèses totales de hanche et de genou sont réalisées en ambulatoire par des équipes en nombre limité, mais avec déjà des expériences importantes et dont beaucoup veulent s’inspirer. Le potentiel de développement de ces chirurgies en ambulatoire ne va-t-il pas être ainsi détourné vers l’HAD, plus facile, moins exigeante qu’une sortie le jour même, comme en chirurgie ambulatoire.
Même constatation pour les patients dits « lourds » du projet expérimental qui seraient aussi éligibles à une prise en charge ambulatoire si on regarde les critères des auteurs : les patients douloureux (EVA > 5), avec ou sans antalgiques (beaucoup de patients en postopératoire autant dire); les patients avec nécessité de la poursuite d’un traitement injectable institué en chirurgie 2 fois/jour, (mais cela ne peut être que les anticoagulants); les patients dénutris en pré ou postopératoire (mais pouvant avoir besoin uniquement d’une supplémentation orale), les patients ayant besoin de soins de la continence (une simple protection à changer ?). La définition du patient lourd reste vague et laisse penser que des patients peu « lourds » pourraient être éligibles à cette prise en charge en HAD après sortie précoce. Le potentiel de développement de la prise en charge en ambulatoire de ces patients ne va-t-il pas être encore détourné vers l’HAD, plus facile, moins exigeante que la chirurgie ambulatoire. A ce propos, il aurait été plus pertinent d’utiliser l’indice de sévérité des patients proposé par l’AFU pour la chirurgie ambulatoire, pour évaluer la sévérité mais aussi la complexité des patients et des soins dans cette expérimentation ().
Quels sont les objectifs de cette sortie précoce ? Etre dans une démarche de qualité des soins et de gestion des risques postopératoires, ou seulement raccourcir à tout prix la durée de l’hospitalisation en Etablissement de Soins et supprimer des lits ?
La chirurgie ambulatoire est une démarche 1- de qualité des soins pour permettre aux patients, le jour même de l’opération, une réhabilitation très optimisée (réveil, peu ou pas de douleurs grâce aux antalgiques, peu ou pas de nausées, ou vomissement, et pas d’anxiété (car bien préparés et informés)) et de pouvoir ainsi rentrer chez eux ; 2- de gestion des risques postopératoires dans le cadre de la continuité des soins à charge de l’équipe de l’Unité de Chirurgie Ambulatoire (et éventuellement le médecin traitant si accord en amont), sans refaire l’hôpital à la maison, et en impliquant et responsabilisant le patient.
Où est la démarche qualité de l’HAD dans cette expérimentation et l’exigence de la réhabilitation améliorée ? La gestion, par l'HAD, des risques postopératoires et de la continuité des soins pourraient être à l’inverse, un vrai risque ajouté : le médecin traitant en HAD devient le responsable de la continuité des soins. Or on ne "délègue" pas une surveillance, on partage une mission bien détaillée, expliquée et comprise par tous. Ces prérequis sont-ils prévus ?
L'HAD après chirurgie ambulatoire avait été envisagée ces dernières années comme une mesure "lenifiante" temporaire pour donner confiance aux équipes qui "se lançaient" dans l'ambulatoire (mais aussi dans la réhabilitation améliorée). Ainsi une HAD de 48h autorisée au CHU Tenon pour les Résections Trans Urétrale de prostate avec le laser greenlight. En formalisant son recours de cette façon, ce mode de sortie va-t-il rester temporaire ? N’est-ce pas une façon encore, comme les hôtels hospitaliers, de contourner l’exigence de la chirurgie ambulatoire ?
On nous répondra qu’il ne s’agit que de peu de patients et d’actes : probablement. Mais l’importance est le message envoyé par les tutelles, et qui influencera tous les comportements et toutes les prises en charge chirurgicales, mais aussi la qualité des soins et ses exigences, la sécurité des patients et les coûts à terme.
HAD, sortie précoce, ambulatoire après chirurgie, la grande confusion.
Corinne VONS et le conseil d’administration de l’AFCA